LES EBENES

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Dénominations


Le nom d'ébène a, de tout temps, désigné des bois noirs ou veinés de noir, durs, denses et à grain très fin, essentiellement fournis par une dizaine d'espèces du genre Diospyros, de la famille des Ebénacées, et par une Légumineuse Papilionée du haut Nil et du Mozambique (le Dalbergia melanoxylon Guill. et Perr.) produisant l'ébène déjà connu dans l'Antiquité, par les Égyptiens et les Grecs, et vendu aujourd'hui comme ébène du Mozambique.
Parmi les ébènes à cœur noir, on distingue l'ébène de la côte occidentale d'Afrique (Diospyros crassiflora Hiern), l'ébène de Madagascar (-D. perrieri H. Jum.), l'ébène asiatique de Ceyian ou des Indes (D. ebenum Koenig).
Quant aux ébènes veinés, ils comprennent l'ébène de Macassar (D. rumphii Bakh. et D. celebica), le camagon des Philippines (D. discolor Whilld.), l'Andaman marblewood (D. marmorata Parker) des îles Andaman et Nicobar.
Enfin, comme nous l'avons dit, l'ébène de l'Est africain, dit du Mozambique, n'est pas fourni par un ébénier, mais par une Légumineuse, le Dalbergia melanoxylon Guill. et Perr., qui est en fait un palissandre très foncé.


Répartition géographique


Très disséminés dans les forêts tropicales de l'Ancien Monde et très recherchés de tout temps pour la beauté de leur bois, les ébènes sont devenus aujourd'hui assez rares. L'ébène de la côte occidentale d'Afrique est originaire de la forêt dense guinéo-congolaise, les principaux lieux de production étant le Nigeria, le Bénin, le Cameroun, le Gabon et le Congo. Les ébènes de Madagascar, autrefois exportés par Majunga, Tamatave et Fort-Dauphin, sont devenus aujourd'hui très rares.
L'ébène de Ceyian est le plus connu des ébènes noirs asiatiques ; il provient des forêts de la partie septentrionale de l'île.
Les ébènes veinés ou marbrés sont originaires des îles de la Sonde (Célèbes, Bornéo) et de la côte de Coromandel à Ceyian.
Enfin le Dalbergia melanoxylon est un arbuste panafricain des savanes et des stations rocailleuses, que l'on rencontre surtout dans l'Est africain, au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie; il est exporté et connu depuis très longtemps sous le nom impropre d'ébène du Mozambique.

 

Description des arbres

Les ébéniers à cœur noir sont des petits arbres dioïques ne dépassant pas 20 m de haut et de 0,50 à 0,60 m de diamètre, généralement d'assez mauvaise conformation, ou même des arbustes. Ils sont caractérisés par leur écorce finement rugueuse, striée dans le sens de la hauteur, gris noirâtre, s'effritant sous la hache en particules charbonneuses, et aussi par leurs larges feuilles glabres et leurs gros fruits charnus (le kaki du Japon est un ébénier, D. kaki).
Les ébéniers à cœur marbré atteignent des dimensions bien supérieures et bien supérieures et sont généralement mieux conformes.
Description du bois


Ce sont des bois très durs, à grain fin, dont le duramen est noir, fortement minéralisé, prenant un beau poli brillant.
Les ébènes à cœur noir ont un aubier blanchâtre ou grisâtre très épais (de 5 à 10 cm) et inutilisable; aussi les arbres abattus sont, après avoir été décortiqués d'aubier sur place, tronçonnés et fendus en bûches ou quartiers d'un poids de 20 à 40 kg correspondant à la charge d'un porteur.
Le bois parfait est noir de jais avec parfois des zones grisâtres plus pâles, moins duraminisées ou minéralisées.
Le grain est très fin, les vaisseaux et les rayons ligneux étant pratiquement indistincts.
L'ébène du Mozambique se distingue des précédents, comme les provenances de Zanzibar et de l'île Maurice, par son bois noir à reflets pourpres.
Les ébènes veinés, comme le macassar, ont un aubier rougeâtre, et le bois parfait est parcouru de veines noires plus ou moins rapprochées sur un fond brun rougeâtre. Les ébènes marbrés, comme l'Andaman marblewood, sont parsemés de taches rectangulaires très noires tranchant sur un fond clair; sur quartier, et à cœur, alternent des veines noires et grises.

 

Défauts et altérations


L'aubier des ébènes est altérable et non utilisable. Le bois parfait peut être affecté de nombreux défauts, notamment de gros trous de vers ou de " mulot ", ou comporter de l'aubier entrelardé ou imparfaitement duraminisé se présentant sous forme de veines blanchâtres ou grisâtres. Le bois parfait est par contre imputrescible.

 

Caractéristiques physiques


Ce sont des bois très durs et très lourds (densité de 1,25 à 1,40 à 12 % d'humidité pour les ébènes noirs, de 1,15 à 1,20 pour les ébènes veinés ou marbrés).
Leur retrait total est moyen mais ces bois restent très stables ou même inertes après séchage.
Ce dernier est très lent et risque d'entraîner des gerces et des fentes assez pro-fondes; pour qu'il s'effectue dans de bonnes conditions, on donnera au bois la forme d'ébauches qui seront stockées à l'abri dans des locaux peu ventilés et légèrement chauffés en hiver; ou encore le séchage sera réalisé artificiellement selon un barème très doux.

 

Caractéristiques mécaniques


Les propriétés mécaniques des ébènes sont d'importance secondaire pour leurs utilisateurs dans l'ameublement et la décoration.
Si leurs résistances unitaires sont élevées en sens axial, ils sont par contre raides et cassants au choc; en sens transversal, les ébènes noirs sont plus fissiles que les ébènes veinés ou marbrés, ou que l'ébène du Mozambique.

 

Caractéristiques technologiques


Ce sont des bois difficiles à travailler étant donné leur dureté et leur abrasivité ; ils exigent un outillage approprié et absorbent beaucoup de puissance.
Le tranchage est délicat et ne peut s'effectuer que sur des pièces longuement ramollies à la bouillotte.
Si le rabotage, le toupillage, le tour-nage, le ponçage sont lents, ces bois à grain très fin permettent d'obtenir un très beau poli et des surfaces brillantes aussi parfaites qu'un miroir. Aussi l'ébène ne se vernit-il pas, contrairement aux bois teints auxquels on a recours pour l'imiter.

 

Utilisations


L'ébène fut utilisé depuis la plus haute Antiquité en raison de sa teinte, de sa dureté et de son poli, d'abord pour la fabrication de petits objets précieux, puis de meubles dans lesquels on recherchait souvent le contraste avec la nacre et l'ivoire. Son emploi s'est maintenu à travers les âges et ceux qui le travaillaient ont reçu à la Renaissance le nom d'ébénistes, qui a consacré son caractère prestigieux même si de nos jours cette spécialité s'est étendue au travail d'essences moins précieuses.
Les ébènes sont surtout utilisés aujourd'hui dans la coutellerie, l'orfèvrerie, la tournerie, la tabletterie, la brosserie, la petite ébénisterie de précision (coffrets, jeux, articles religieux, garnitures de bureau, etc.).
La lutherie fait largement appel aux ébènes noirs dans les instruments à corde, pour la fabrication de la touche, de la queue et des boutons du violon et de ses dérivés, les touches noires des pianos, orgues et clavecins.
L'ébène noir est aussi utilisé dans la fabrication des instruments à vent comme les flûtes, les clarinettes, les hautbois, les cornemuses, etc. L'ébène du Mozambique s'impose comme la provenance préférée, en particulier pour le pavillon des clarinettes : il est le plus stable et le moins fissile pour la réalisation de cette pièce délicate et fragile.
L'ébène de Macassar, en raison de ses dimensions plus étoffées, est employé sous forme de placages pour le meuble et la décoration de luxe. Il sera d'autant plus apprécié que son veinage sera régulier et bien détaché.

 

Commerce


Si le commerce des ébènes noirs d'Afrique est très ancien, son importance est aujourd'hui très réduite par suite de l'épuisement relatif de ces essences.
II en va de même pour les ébènes de Madagascar et de Ceyian.
Par contre, l'ébène de Macassar, mis à la mode lors de l'Exposition des Arts Décoratifs de 1925 par le décorateur Ruhimann, reste très recherché et donne lieu à des importations assez régulières en provenance d'Indonésie.


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